Tu crois que tu la donneras à quelqu’un un jour ta robe? Ah non, cela ne se donne pas ces choses-là. Lucie est bavarde sur les petits riens de la vie, mais reste silencieuse face à la vie qui bascule le jour où elle tombe.
Amoureuse d’un homme qui n’a jamais pu s’arrêter.
Elle regarde les photos de famille, s’arrête sur une photographie, témoin silencieuse de sa vie. Silhouette fine et gracieuse à côté d’un homme droit, sec et beau. Son mari est en train de signer le registre de mariage. Ils viennent de se promettre fidélité. Un cierge au premier plan cache le visage de Lucie. Les pages de l’album égrènent les années. Le temps a commencé bien avant l’heure son travail d’usure dans leurs corps. L’alcool, la maladie, les silences que l’on ne dénouera plus. Elle cherche le mot de sa belle-fille, écrit le jour des obsèques. Elle le lit à voix haute, pour elle, pour débloquer les mots qu’elle voudrait dire mais ne peut pas. Après la tempête, le beau temps revient toujours. C’est beau, tu ne trouves pas ?
Comment raconter une robe de mariée, qui a accompagné une femme tout au long de sa vie? Elle est simple, belle, blanche, elle se porte près du corps. Lucie s’éclipse et revient, vêtue de sa robe, encore une fois. C’était dans l’ordre des choses tu sais. Mais y-a-t-il un ordre à tout cela? Elle monte dans les escaliers, drapée de blanc, avec ce corps encore jeune et pourtant plié, tordu par les épreuves. Mais toujours là, vivant. Aussi digne que l’arbre penché au milieu de la lande.